Table ronde :
Comment l’hôtellerie va-t-elle se réinventer ?
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Comme les compagnies aériennes, l’hôtellerie a vécu une année 2020 difficile. Plus de la moitié des établissements est toujours fermée. Comment les hôteliers voient-ils l’avenir ? De quelle façon anticipent-ils la reprise du marché de l’hôtellerie d’affaires ? L’heure est au bilan et à la prospective.
Quel bilan pour l’hôtellerie en 2020 ?
MKG Group a publié les résultats de son étude en janvier dernier. L’étude fait état d’un manque à gagner de 14 milliards d’euros. Alors que le RevPar chute de 61,3 %, le taux d’occupation dépasse péniblement les 30 %.
“La situation est inédite. Le secteur de l’hôtellerie d’affaires n’a jamais connu de résultats si catastrophiques”,
Vanguelis Panayotis, Directeur des opérations MKG Groupe, Président de MKG Consulting et Okalala Suite.
Les chiffres sont toutefois contrastés, explique Vanguelis Panayotis. Les établissements ruraux ne vivent pas la même situation que ceux du littoral ou des grandes métropoles. Le prisme est par conséquent différent en fonction du type d’hôtellerie. À Paris, la perte de chiffre d’affaires est de plus de 70 %.
Bien qu’inquiétante, la situation reste toutefois moins désastreuse que dans le reste de l’Europe. La France offre en effet des moyens de résilience supplémentaires par rapport à ses voisins européens.
Une crise hôtelière tout en contrastes
Paris et province, même combat ?
Alors qu’en temps normal la capitale domine le secteur du tourisme d’affaires, Paris poursuit en ce moment une lente traversée du désert. Tandis que le RevPar de la région parisienne est à – 77,8 %, la baisse enregistrée en province est de – 51,1 %.
Cet écart s’explique par les trois handicaps que Paris cumule en cette période de crise :
- le ralentissement du tourisme international, qui irrigue traditionnellement la capitale ;
- la mise à l’arrêt du Mice et de l’événementiel, qui la dynamise en temps normal ;
- l’absence de report des clientèles françaises durant l’été.
Les contrastes entre gammes hôtelières
Le haut de gamme est véritablement en souffrance, avec une baisse de près de 75 %, contre 40 % pour l’hôtellerie super-économique. Le caractère résilient de cette dernière est bien connu. Elle répond en effet à un besoin contraint, fonctionnel et structurel. Le haut de gamme et le luxe sont en revanche tributaires de la clientèle internationale.
Crise de la Covid et faillite hôtelière : quelle réalité ?
La pandémie, une fois encore, n’impacte pas toute l’hôtellerie dans son ensemble. Si la crise sanitaire a incontestablement conduit certains établissements hôteliers à devoir envisager le “changement de main”, des groupes familiaux particulièrement actifs ont quant à eux acheté et étoffé leurs parts. Les investisseurs observent, analysent et agissent. Ils croient en l’investissement hôtelier.
“Il faut savoir rester positif ! ”
Oliver Steuermann, Président Honor chez THCC.
Les petits établissements ne sont pas toujours les premières victimes de la crise économique. Oliver Steuermann prend l’exemple d’hôtels aux Deux-Alpes, dont les résultats ont été bien meilleurs cet été qu’aucune autre année auparavant.
La reprise de l’hôtellerie d’affaires : qui, quand et comment ?
La clientèle affaires n’a pas totalement disparu
Les taux d’occupation satisfaisants de la clientèle affaires en semaine démontrent qu’elle est toujours présente.
“Les réservations par les voyageurs d’affaires représentent 70 % du chiffre d’affaires des hôteliers en semaine, hors vacances scolaires. Le corporate est par conséquent une véritable locomotive”
Vanguelis Panayotis, Directeur des opérations MKG Groupe, Président de MKG Consulting et Okalala Suite.
Les perspectives concernant la reprise sont à envisager différemment en fonction de la localisation géographique des établissements. David Dongais, fondateur d’Axioncom, identifie trois territoires :
- la province, avec un marché urbain et périphérie et une clientèle véhiculée, composée essentiellement de PME/TME, d’artisans et de consultants ;
- les grandes villes et métropoles de province ;
- Paris : elle est la véritable sinistrée de la crise sanitaire. La reprise risque d’être bien plus tardive.
Le calendrier de l’optimisme
Axioncom a essayé de définir cinq grandes dates ou périodes, avec confiance et optimisme, mais sans naïveté :
- un premier trimestre atone et sacrifié à Paris ;
- un début de redémarrage avec les vacances d’avril et les ponts du mois de mai ;
- un début de reprise pour le mois de juin, grâce à l’avancement de la campagne de vaccination ;
- un bel été avec une clientèle essentiellement française, qui continue de découvrir son pays ;
- un mois de septembre véritablement positif, sauf probablement pour Paris qui devra attendre avril 2022.
La reprise se fera-t-elle par le prix et en direct ?
Oliver Steuermann invite le secteur de l’hôtellerie d’affaires à se préparer à une guerre tarifaire. Elle a déjà commencé et risque de durer.
Vanguelis Panayotis redoute quant à lui cette reprise par le prix, dénonçant l’absence de logique et le risque d’un manque de pérennité de cette solution. Le directeur des opérations MKG Groupe pense que la véritable question à se poser est celle de l’adéquation du produit et de la proposition de valeur par rapport aux attentes des clients.
Durant la pandémie, le canal direct a repris du poids, notamment via l’appel direct. Cette tendance est-elle amenée à s’installer ? Il semble difficile de passer à côté des grands distributeurs, explique Oliver Steuermann. Les intermédiaires existent, il faut les accepter.
“Si les indépendants souhaitent continuer de développer le canal direct, ils devront parvenir à trouver le moyen de communiquer sur leurs réussites et leurs forces. Les hôteliers devront apprendre à parler à leur clientèle”,
David Dongais, Fondateur d’Axioncom.
Quid des protocoles sanitaires mis en place par les établissements hôteliers ?
Le tourisme est basé sur la confiance. Vanguelis Panayotis identifie trois piliers de la réassurance : la sûreté, la réassurance sanitaire et la sécurité économique. La reprise du voyage ne peut se faire qu’avec la réunion de ces trois éléments.
Le respect des protocoles sanitaires n’est aucunement un défi pour les hôteliers. Ils savent en effet entretenir leur établissement et l’ont fait depuis toujours. Le coût est néanmoins plus élevé aujourd’hui.
À qui profite la crise ? Les chaînes sont leaders, bien que moins nombreuses que les indépendants, et ce depuis longtemps. Le problème principal que rencontrent les établissements hôteliers qui n’appartiennent pas à une chaîne est celui de la communication. Comme dans toute crise, il y aura des gagnants et des perdants. Sortiront leur épingle du jeu ceux qui sauront remettre le client au centre de leurs préoccupations.