Table ronde :

Les TMC,

le Big Bang

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Pour les agences de voyages, la crise de la Covid 19 sonne comme un brutal rappel à l’ordre. S’il est performant en période de croissance, leur modèle économique fondé sur le paiement à la transaction ne tient plus lorsqu’aucune ou très peu de transactions sont enregistrées. Les TMC ont néanmoins continué à travailler, malgré les faibles recettes, alors que les prévisions sur 2021 n’augurent rien de bon. Fragilisées par la crise économique et contraintes de se redimensionner, les TMC font de plus face à une crise de modèle. 

Yorick Charveriat (Amex GBT), Arnaud Fontanille (Marietton), Brice Huet (Okarito) et Laurent La Rocca (The Treep) ouvrent aujourd’hui le débat sur le rôle à venir des agences de voyages, sur leur mode de rémunération ou encore sur la place de la technologie.

Rôle des TMC : quelles évolutions ?

Avec l’arrivée des plateformes entièrement digitales, il est légitime de se poser la question de l’évolution des TMC. Pour Brice Huet, cofondateur d’Okarito, la vision du rôle de l’agence est différente de la vision traditionnelle. L’autonomie du voyageur d’affaires doit en effet être complète, tant sur le plan de la réservation que sur celui des modifications. L’appétit de la jeune génération pour les outils digitaux est patent. En faire abstraction serait risqué, le réduire à une question de génération le serait encore plus ! 

“ Le voyage doit s’effacer derrière l’outil ”, Brice Huet (Okarito).

Les équipes restent néanmoins indispensables, nuance Brice Huet. L’agence de voyages intervient dans les situations d’urgence, lorsque sa valeur ajoutée est évidente (rapatriements, intempéries, grèves, etc.). Elles accompagnent les voyageurs dès que le besoin est présent. Laurent La Rocca explique malgré tout qu’en dépit de l’évidente expertise des agences de voyages en matière de service aux entreprises, ces dernières doivent se moderniser en faisant évoluer leurs moyens technologiques.

“ Le digital doit être au service de l’humain. Le rôle de l’agence est de travailler de concert avec ces outils digitaux au profit du client final ”, Laurent La Rocca (The Treep).

Arnaud Fontanille se veut quant à lui rassurant et affirme qu’il n’est pas pertinent d’opposer les agences de voyages aux plateformes digitales. Chacun a sa place dans l’écosystème du business travel. La crise sanitaire a conduit tous les acteurs du secteur à se réinventer et à redéfinir leur rôle. Yorick Charveriat en identifie trois : assurer la continuité de service, rétablir la confiance pour relancer les voyages et accompagner les voyageurs.

Quelle place pour  la technologie dans une agence de voyages ?

En quoi la technologie d’une agence digitale est-elle différente de celle d’une agence traditionnelle ? Être propriétaire de sa technologie est une priorité pour Brice Huet, afin de permettre à la TMC de s’adapter aux attentes du client et d’améliorer le produit plus rapidement. Laurent La Rocca juge également qu’en tant qu’entreprise de service, les agences de voyages ne peuvent faire l’économie d’outils technologiques innovants et de qualité, d’un SBT facile et ergonomique. La dimension éco-responsable reste par ailleurs essentielle et ne doit pas être perdue de vue. 

Les mutations induites par la pandémie redéfinissent le rôle de l’agent et sa valeur ajoutée. Il ne doit plus seulement réserver mais assister. Le digital sert à informer, l’agent de voyage sert à rassurer. Les outils technologiques doivent alors être placés au service de l’agent, afin de lui permettre de tenir son rôle d’expert de la relation client et non plus celui d’expert en outils complexes. 

“ L’outil technologique est bien entendu important en lui-même. Pouvoir accompagner ensuite le voyageur grâce à l’outil l’est tout autant ”, Yorick Charveriat (Amex GBT).

L’ADN des TMC historiques est le service de proximité. Arnaud Fontanille tient à souligner qu’aujourd’hui près de 50 % des clients préfèrent encore un service offline. Il ne nie toutefois pas l’importance de la technologie dont on ne peut se passer aujourd’hui, qu’elle résulte d’un partenariat exclusif ou que l’agence en soit propriétaire.

Vers un nouveau modèle économique des TMC ?

Alors que les TMC sont principalement rémunérées à la transaction, se pose désormais la question de l’avenir de leur modèle économique. Leur survie est en jeu. Pour Yorick Charveriat,  la patience est néanmoins de mise. Il faut respecter les contrats en cours et les contraintes de chaque client. Les agences devront faire preuve d’agilité pour adapter leur pricing

De grandes tendances se dessinent, telles que la redéfinition d’un modèle de pricing, le déploiement d’une offre RSE ou l’élargissement des produits. Sur l’aspect financier, les TMC devront démontrer tous leurs talents de pédagogues, afin de faire accepter ces évolutions aux entreprises. Elles n’auront toutefois d’autre choix que d’envisager le changement de façon positive, car sans une mutation du modèle économique, la continuité du service ne pourra se faire. Les acheteurs ne recherchent en effet pas uniquement la performance économique, mais également la qualité pour leurs collaborateurs dont l’expérience utilisateur prend une place croissante. 

Arnaud Fontanille se veut moins alarmiste quant à l’urgence d’un changement de modèle économique des agences de voyages. Le transaction fee peut perdurer, avec certes quelques adaptations nécessaires. Il existe deux priorités : la simplification des grilles tarifaires et la modernisation.

“La simplicité doit redevenir la norme”, Arnaud Fontanille (Marietton).

Brice Huet défend quant à lui le modèle de l’abonnement. Puisque la proposition de valeur de l’agence s’est décalée de la réservation à la mise à disposition des outils et du service, la rémunération se base désormais sur le conseil et l’accompagnement. Le cofondateur d’Okarito reste néanmoins optimiste et considère que la crise demeure exceptionnelle. Les réservations reprendront. Entre l’ancien modèle ou le tout abonnement, existerait-il un modèle hybride ? C’est ce que pense Laurent La Rocca. Il croit également en l’existence d’autres pistes inexplorées, telles que la monétisation et la valorisation du “non-déplacement” ou des déplacements doux, en lien avec la politique RSE de l’entreprise.

Modèle économique hybride, standardisation, modèle adapté à chaque client ? Les possibilités d’évolution qui s’offrent aux TMC sont nombreuses pour répondre au défi auquel elles doivent faire face. Cet aspect est encourageant, d’autant que la plupart des acteurs de l’écosystème se disent favorables à un changement de modèle.