Table ronde :

Demain, quel voyage d’affaires ?

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En limitant les déplacements, la crise sanitaire a bouleversé le monde du voyage d’affaires dans son ensemble. Se poser la question de l’impact de la crise pandémique sur les déplacements professionnels invite nécessairement à se tourner vers l’avenir. Une étude d’ID Works prévoit en effet une baisse allant jusqu’à 36 % des déplacements professionnels lorsque la pandémie aura été endiguée. 

À quoi ressemblera le voyage d’affaires de demain ? Amélie Berruex, Christophe Drezet, Brigitte Jakubowski et Pascal Jungfer ont nourri cette démarche prospective de leur expertise, en s’appuyant sur plusieurs thématiques clés.

Voyage essentiel ou non essentiel ?

D’après l’étude d’ID Works, seuls les voyages essentiels seraient épargnés après la Covid, ainsi que les déplacements techniques et de maintenance. Christophe Drezet (Epsa Groupe) confirme qu’il  ne s’agira plus d’une tendance, mais d’une réalité. 

“Le baromètre Epsa montre que 95 % des voyageurs pensent à terme moins voyager et privilégier les solutions de visioconférence”, Christophe Drezet (Epsa groupe).

Christophe Drezet ajoute néanmoins que la réintroduction d’un lien social et professionnel sera nécessaire, le distanciel ne pouvant devenir l’unique mode d’échange. Pour le consultant d’Epsa Groupe, le caractère essentiel d’un voyage sera également déterminé par les objectifs environnementaux. Sur le plan du ROI, Amélie Berruex (Axys Odyssey) annonce un changement dans la structure des motifs de déplacements. La valeur autre que financière apportée par le déplacement sera déterminante, autant que le coût, alors qu’elle n’était pas prise en compte jusqu’à aujourd’hui. 

D’après Pascal Jungfer (Areka Consulting), la définition de la pertinence des voyages se fera par le nécessaire établissement d’une typologie des déplacements et par l’aide à la compréhension des impacts d’un déplacement par le voyageur dans une logique RSE. Brigitte Jakubowski (JK Associates Consulting) ajoute enfin que les fournisseurs, l’aspect générationnel et les données interculturelles seront d’autres critères à prendre en compte dans la distinction entre voyage essentiel et non essentiel. 

Quelle place aura la RSE dans le monde de demain ?

Comme le souligne Amélie Berruex, la RSE est un concept plus global que l’impact environnemental. Il s’agit en effet de se poser également la question de la définition de la raison d’être de l’entreprise et de la façon dont elle devient créatrice de valeur. Le rôle des fournisseurs est alors essentiel. Brigitte Jakubowski insiste quant à elle sur l’importance du capital image d’une entreprise dans le pilier sociétal de la RSE. La prise en compte du capital humain est fondamentale. 

Alors que les politiques voyage actuelles ne sont pas en mesure de répondre aux critères de la RSE, Christophe Drezet voit dans les travel managers une pièce maîtresse de l’intégration de ces dimensions. Il devra par conséquent repenser sa manière de travailler et d’interagir avec ses collaborateurs, afin d’engager sa communauté dans une logique et une démarche RSE compatibles. 

“Le passage au voyage essentiel et donc responsable, est une révolution, une véritable lame de fond”, Pascal Jungfer (Areka Consulting).

La crise sanitaire modifiera-t-elle la façon d’acheter du voyage ?

La modification des achats est bien réelle. Pascal Jungfer note des effets à court terme, tels que l’accélération d’un sourcing dynamique et à moyen terme, impliquant de repenser la stratégie d’achats afin de bien choisir avec qui l’entreprise négocie et ce qu’elle négocie. Brigitte Jakubowski attire toutefois l’attention sur le manque de repère concernant le prix de marché, notamment les prix aériens moyens. 

“Les acheteurs doivent se laisser une marge de négociation afin de piloter correctement le budget achat, Brigitte Jakubowski (JK Associates Consulting).

Quel que soit le sujet, la RSE reste omniprésente. Les achats ne font pas exception. Si les grands acteurs du business travel intègrent les critères RSE dans les appels d’offres, Christophe Drezet déplore néanmoins que les acheteurs des clients soient moins rigoureux sur ce point. Amélie Berruex tient toutefois à souligner que certaines entreprises accordent une réelle place à la RSE. Si pour ces dernières il s’agit d’une véritable culture d’entreprise, elle reconnaît néanmoins que le phénomène est encore à ses débuts. 

Mice : comment s’adapte-t-il à la crise ?

La chose est évidente : le Mice subit une véritable révolution. Si les salons sont bien entendu peu nombreux, Christophe Drezet constate que les webinars se multiplient. Les échanges informels et le plaisir de se retrouver manquent néanmoins à l’appel. Les événements hybrides s’annoncent alors comme une solution permettant de mêler présentiel et distanciel et d’offrir une véritable expérience digitale. Les entreprises du secteur qui ne pourront pas s’adapter ou investir risqueront de connaître un réveil brutal. 

Brigitte Jakubowski invite à la nuance et insiste sur les difficultés que rencontrent certains acteurs, tels que les professionnels du spectacle. Le Mice de demain ne peut par conséquent se résumer à des webinars ou à des événements hybrides. La question de l’essentiel et du non essentiel se posera à nouveau.

Crise sanitaire et métier de travel manager : quelles évolutions ?

Alors que le travel manager a souvent une fonction solitaire dans son entreprise, la crise sanitaire aura permis de revaloriser son travail. Pascal Jungfer va jusqu’à parler de “remise en majesté de son rôle”.

“Le métier de travel manager est mis en valeur par cette crise sanitaire. Sa visibilité est inespérée”, Amélie Berruex (Axys Odyssey).

Amélie Berruex pense qu’il est toutefois important de rester prudent. La pandémie impose en effet au travel manager de faire preuve d’une grande capacité d’adaptation. Il devra savoir rester flexible et maîtriser les sujets relatifs à la RSE, aux datas et à la mobilité au sens large. Christophe Drezet et Brigitte Jakubowski ajoutent à ces nouveaux défis celui du rétablissement du lien de confiance avec la communauté et le collaborateur. Pascal Jungfer confirme cet aspect, tout en considérant que ces challenges représentent une réelle opportunité d’évolution pour le travel manager

Si les résultats du sondage réalisé en début de table ronde démontrent que près de 80 % des sondés restent assez pessimistes quant à l’avenir des déplacements professionnels, les intervenants ont dressé un tableau moins alarmiste du “monde d’après”. Le voyage d’affaires n’est pas mort. Il s’engage dans une mutation que chaque acteur de l’écosystème devra accompagner.